Charlie ne peut pas rester

C’est lui ou c’est moi !

Non mais il était d’un mélodramatique, quand il s’y mettait, Nicolas ! Lui demander de choisir entre Charlie et lui, franchement… C’était ridicule. Totalement ridicule.

Enfin bon, Armelle se disait ça après coup mais sur le moment, elle avait eu peur. Il avait l’air vraiment sérieux… Alors elle avait choisi.

Pardon Charlie.

Il faut dire que parfois, Charlie laissait ses tripes s’exprimer. Et forcément, un cocorico tonitruant à 5h du matin, ça agace. En général, au second cri matinal, elle se faisait larguer. Direct.

Elle ne voulait pas finir vieille fille. Et puis… cette fois, c’était sérieux, elle était vraiment accro à Nico alors bon, elle allait se débarrasser de Charlie, son coq noir.

Pouuuuh que c’était difficile !

Elle voulait qu’il puisse vivre à la campagne, tranquille et bichonné par quelqu’un d’affectueux. Elle avait mis deux semaines à se résoudre à passer une annonce sur le web. Et une semaine de plus à s’intéresser aux réponses et à les trier. Quand elle était tombée sur le message de Françoise, elle n’avait pas su si elle devait se réjouir ou pleurer. Elle avait trouvé une perle, elle qui avait pensé n’avoir de réponses que de tarés adeptes du vaudou prêts à saigner Charlie par une nuit sans lune. Ben non, il y avait au moins une candidate saine. Françoise. Youpi.

Françoise aimait les bêtes (elle avait deux paons, un lama, un canari, une oie et deux chats), vivait vers Saint-Rémy, pas trop loin de Paris, et avait un jardin de la taille d’un parc. Parce qu’elle avait envoyé des photos, avec son message. Elle avait même ajouté, en post-scriptum, qu’Armelle pourrait venir voir Charlie quand elle voudrait. Youpi, youpi… Youpi. De merde. Elle avait l’air parfaite pour Charlie.

Ca faisait une semaine qu’Armelle avait reçu le mot de Françoise et le caillou qui s’était posé alors sur sa poitrine pesait plus lourd que jamais, maintenant qu’ils étaient en route pour la vallée de Chevreuse, Charlie et elle. Elle jeta un coup d’œil sur le siège passager. Charlie dormait paisiblement, la tête sous l’aile gauche, confiant. Alors qu’elle s’apprêtait à l’abandonner…

Oh pardon Charlie ! Pardon, pardon, pardon, pardon, pardon, pardon Charlie !

Il lui manquait déjà, son oiseau magique. Charlie le flamboyant. Avec son plumage noir, sa crête rouge vif et son regard acéré, Charlie était un coq exceptionnel. Elle l’avait eu tout petit, au marché aux oiseaux de l’ile de la Cité et ils ne s’étaient pas quittés depuis.

Ah la la, Charlie…  Il avait été son meilleur compagnon, son meilleur ami, même. Elle lui parlait en anglais et il lui répondait toujours d’un « cot cot », enfin… uniquement quand elle l’appelait Charles. Il était assez snob, au fond. Et aussi très intelligent. Il savait se faire oublier quand il le fallait. Une fois, elle l’avait emmené au bureau et il avait passé la journée pelotonné dans un coin, sans moufter. Personne ne s’était douté de rien du tout. Sacré Charlie… Elle l’emmenait souvent avec elle, lorsqu’elle sortait. Et jamais elle ne lui avait mis une laisse ou un harnais. Il la suivait partout, trottinant à ses côtés la plupart du temps et se perchant sur son épaule quand son environnement l’inquiétait ou qu’il était fatigué. Ça amusait drôlement les gens lorsqu’ils les croisaient. Et Armelle était persuadée que Charlie appréciait autant qu’elle d’être ainsi remarqué.

Ceci dit, il n’était pas toujours docile. Il avait ses têtes. Le chien de la voisine, par exemple, il ne pouvait pas le voir. Il l’attaquait dès qu’il le croisait. En revanche, il aimait bien la postière, il cocoricotait toujours quand elle sonnait. Pas trop fort, juste pour elle. Et la postière l’aimait bien aussi, ce fier coq noir et rouge.

Bref, tout irait pour le mieux dans le plus sympa des mondes si Charlie n’avait pas cette agaçante possessivité envers Armelle. Il lui pourrissait toutes ses histoires, il persécutait ses amoureux, s’égosillait tous les matins quand ils restaient dormir là, saccageait l’appartement quand elle découchait, bref il leur rendait la vie impossible. Et après la rupture, qui survenait immanquablement, il redevenait le Charlie qu’elle connaissait, le Charlie qu’elle aimait.

Ça n’était plus possible, là. Clairement.

Armelle se redressa derrière son volant. Grâce à Nicolas, elle avait pris la bonne décision. Charlie serait très bien chez Françoise.

Elle était arrivée. Elle mit son clignotant à droite et entra dans la propriété de Françoise. Mazette, c’était grand ! Encore plus qu’elle ne l’avait imaginé en voyant les photos.

Françoise sortit de chez elle au moment où elle se garait devant la maison. La cinquantaine sympathique, souriante et dynamique, elle plut immédiatement à Armelle. Elle lui serra la main puis se pencha vers la voiture et s’écria quand elle vit Charlie. Elle le trouvait superbe.

Normal. C’était Charlie.

A suivre…

2 thoughts on “Charlie ne peut pas rester

  1. Petit cuicui matinal à ma Tatounette 🙂
    Moi, j’aime pas les coqs depuis que je me suis fait becqueter une fois.

    Bloquée à la maison pour cause de bronchite, je vais en profiter pour faire une visite in extenso de ta nouvelle maison.

  2. A ma connaissance, en vérité, c’est assez hargneux, les coqs. Alors ça ne m’étonne pas qu’il y en ait un qui t’ait cherché des noises. 🙂
    Soigne-toi bien ma Merlinette!

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