La crête du coq (#2)

Il but une gorgée de café tiède. Il sortait à nouveau son téléphone pour consulter sa messagerie quand il vit arriver sa sœur. Elle marchait vite, courait presque, et lui fit un signe quand elle l’aperçut. Entrant comme une tornade, elle se rua vers sa table et s’effondra sur une chaise en face de lui.

« Oh là là, c’est l’enfer ce matin. Impossible de me garer dans ce quartier » embraya t’elle avant qu’Alexandre ait pu ouvrir la bouche. « Déjà que j’étais partie tard de la maison, ça n’a rien arrangé tout ça. Tu te rends compte que j’ai dû tourner vingt minutes avant de trouver une place? Vingt minutes! Paris est une ville impossible en voiture. Impossible! ».

Elle défit la ceinture de sa veste légère et entreprit de l’enlever sans se lever.

– Bonjour quand même! lui lança Alexandre, agacé.
– Ah oui, bonjour! Tu vas bien? Tu n’as pas trop attendu? J’aurais dû t’appeler, je sais, mais là, déjà que la matinée avait hyper mal commencé, j’avais peur de me prendre une prune en plus, en téléphonant au volant.

Elle se tourna et chercha le serveur des yeux. Elle était tirée à 4 épingles, comme d’habitude. Petite robe noire sous sa saharienne, bas sombres, escarpins rouges pointus aux talons vertigineux, maquillage parfait et chevelure brillante dont les boucles cascadaient sur ses épaules. Elle semblait fraîche, reposée, alors que lui avait des cernes, ne s’était pas rasé et avait des épis dans les cheveux. Il avait beau porter un costume pour aller travailler sitôt la visite à leur père terminée, il se sentait fripé et fatigué.

Nadine leva deux doigts aux ongles parfaitement manucurés et vernis du même rouge que ses chaussures. Elle les fit claquer puis, le serveur étant en train de débarrasser une table un peu plus loin sans lui prêter attention, elle regarda l’homme debout derrière le comptoir et dit d’une voix forte: « un café, s’il vous plaît! ». Elle se tourna vers Alexandre et roula des yeux pour marquer son agacement d’avoir été ignorée par le serveur.

– Il s’est passé quoi ce matin? Un problème avec un des tes garçons? demanda Alexandre, soucieux d’éviter une énième diatribe contre les garçons de café.
– Pfff… C’est Théo. Il m’empoisonne la vie en ce moment. Je n’en peux plus de lui! Il m’invente un nouveau truc tous les deux jours, répondit-elle, parlant de son petit dernier.

« Aujourd’hui, c’était la crise parce qu’il ne trouvait pas son lunch bag et il refusait catégoriquement d’aller à l’école sans son lunch bag. Je lui ai proposé de mettre son goûter dans un sachet normal, mais non! C’était son fichu lunch bag qu’il voulait! Alors qu’il a toujours clamé qu’il faisait fille, qu’il était trop rouge, trop grand, trop je ne sais quoi encore! J’ai cherché partout, impossible de mettre la main dessus. A tous les coups, c’est l’un des deux grands qui l’a planqué quelque part pour faire une blague. Il est resté planté là dans l’entrée et il a catégoriquement refusé de bouger. Non mais tu imagines ? J’ai dû le porter jusqu’à la voiture. Et à 8 ans, ça pèse un âne mort, un enfant, tu sais? »
– Jérôme n’était pas là?
– Non. Il avait un genre de séminaire, très tôt et il m’a laissée me débrouiller toute seule avec les enfants. Non, ça aurait pu bien se passer si Théo n’avait pas fait son cinéma, là… Faire un caprice de bébé à son âge, c’est totalement ridicule. D’ailleurs je le lui ai dit: Tu es totalement ridicule mon pauvre garçon. Il a boudé pendant tout le trajet jusqu’à l’école et il ne m’a pas embrassée avant d’entrer dans la cour. Il ne s’est même pas retourné, ce petit ingrat. Je sens que ça va être le plus dur des trois, tu sais? On va avoir du mal avec lui, c’est sûr!

Le serveur lui ayant apporté son café, elle le sucra puis l’avala d’un trait tandis qu’Alexandre vidait sa tasse.
« Bon, écoute, j’ai appelé l’hôpital ce matin, je n’ai pas pu avoir le médecin mais on m’a dit que Papa avait passé une bonne nuit. La thrombolyse s’est à peu près bien passée, d’après la personne que j’ai eue. Ca m’a inquiétée, ce « à peu près ». Il va peut-être falloir opérer. J’ai pris rendez-vous avec le médecin-chef pour qu’il m’explique tout ça. Et puis, il vaudrait peut-être mieux demander un deuxième avis. »

Alexandre leva les yeux au ciel. Nadine et sa fichue méfiance.

« Non mais attends Alexandre, on ne sait jamais! Imagine qu’ils se trompent et qu’ils soignent mal Papa? C’est lourd une opération du cœur quand même, il vaut mieux prendre toutes les précautions. De toute façon je m’en occupe, tu n’auras rien à faire, promis. »
– Comme tu voudras, soupira Alexandre.
– Et puis on pourra aussi demander son avis à Papa… Tu sais quoi? Sa poule est restée toute la nuit! A tous les coups, c’est parce qu’elle avait peur de se perdre dans la grande ville ! dit-elle, prenant l’accent du sud sur la fin de sa phrase.

Alexandre sourit. Nadine s’était toujours férocement moquée des conquêtes de leur père.
Il s’aperçut qu’il ne savait même pas comment s’appelait la dernière en date. Sylvie? Sidonie?… Aucune idée. Pourtant, c’était elle qui avait prévenu Nadine, la veille au soir.

– Bon écoute, je dois aller bosser après avoir vu Papa alors… on y va? dit Alexandre en se levant après avoir posé de la monnaie sur la table.
– Oui, oui, allons-y ! répondit sa sœur au moment même où une sonnerie annonçait l’arrivée d’un texto sur le téléphone d’Alexandre.
Il n’y prêta pas attention.
– Tu ne regardes pas qui c’est? lui demanda Nadine
– Non, écoute, allons-y, là, je suis déjà sacrément en retard.
– C’est peut-être ta petite fiancée? Alix?
– Arrête de l’appeler ma petite fiancée ! Ce que tu peux être condescendante, quand tu t’y mets !

Alexandre lui jeta un regard noir et sortit du café.

« Je te taquine Alex, ne le prends pas mal. Tu sais, je suis contente que tu sois à nouveau amoureux » lui dit-elle avant de lui planter une bise sur la joue et de s’élancer sur le trottoir.

°°°°°°°°°°

Ma copine Céline a beaucoup aimé le lunchbag que j’avais fait pour Nayah, il y a quelques temps. Je lui ai donc proposé d’en faire un pour sa poupounette personnelle. Et comme elle aime bien les couleurs qui pètent, je me suis lâchée (et bien lâchée, même) :

Recette:
Sauce maison. Je me suis basée sur le lunchbag que j’avais fait pour ma poupette.

Ingrédients:
Cotons enduits « coquelicot rouge » et « Sioux Rouge » (Petit Pan), velcro rouge (Fil 2000).

Bon, coupinette, je préfère te le dire tout de suite: j’ai trébuché sur ma résolution 4 pour cette couture. Je n’avais pas de coton enduit bien coloré dans mon stock et donc j’ai acheté ceux-ci. Mais d’une, c’était pour l’adorable pioupioute de Céline et pas juste un achat compulsif de tissu-dont-je-ne-sais-pas-encore-ce-que-je-vais-en-faire-mais-il-me-le-faut-trop-trop-trop. Et de deux, j’en ai acheté juste un petit bout.
Comment ça, et alors?
Tout n’est pas perdu, je ne m’avoue pas vaincue et malgré cet accroc, je continuerai à tenter de respecter la résolution 4…

Grains de sel:
Par rapport à celui de ma coquelicote, ce lunch bag est plus grand: plus large, plus haut et plus long.

Les paris:
Un seul: finir le lunch bag et l’offrir avant le début du printemps.

Le franchement plaisant:
– Je raffole de ces tissus Petit Pan. Surtout le « coquelicot rouge ». C’est sûr que j’en achèterai en version tissu simple. Enfin, l’an prochain.
– Je suis ravie de ce velcro rouge (acheté pour l’occasion, tant qu’à pécher, autant aller jusqu’au bout, hein). Sa couleur rouge profond m’a transportée au point de chercher ce que je pourrais coudre qui nécessiterait du velcro de cette couleur.
– J’avais soigneusement collé un bout de scotch sous mon pied de biche pour qu’il glisse bien sur le coton enduit. Et donc, je n’ai pas galéré sur mes sûrpiqures, cette fois, ce qui fut plus que plaisant, coupine. Vraiment!

Le franchement barbant:
Je vais peut-être te surprendre, coupinette, mais rien ne m’a barbée, sur ce coup-là. Rien de rien. C’est assez rare pour être souligné, quand même. Comme j’en avais déjà fait un, ça a été hyper simple de récidiver sans lutter. La fête totale.

Do it again:
– Si je devais recommencer, je tenterais de trouver de cette matière « aluminium » qu’on voit dans les sacs isothermes (tu sais, les sacs P*card), histoire d’aller jusqu’au bout de l’idée « je transporte la nourriture de mon enfant dans un sac optimal ». D’ailleurs, j’en ai des sacs comme ça. Je pourrais en dépiauter un, pour faire le test…
– Je pourrais aussi rajouter une petite anse sur le dessus pour faciliter le transport.

14 thoughts on “La crête du coq (#2)

  1. waouh, trop bien!
    l’histoire est comme toujours super bien écrite, et ton lunch-bag, quelle bonne idée!
    et quel superbe résultat 🙂
    je comprend que tu aies craqué sur les tissus Petit Pan (je viens de craquer aussi, j’attend un gros colis demain, alors que ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout raisonnable 😉
    bravo, tu as décidément, indéniablement, beaucoup de talent!

  2. Je confirme, j’adore!! Pratique, toujours aussi beau à regarder et fait avec amour. Franchement, que demander de plus? Encore merci Tasticottine!

  3. Tu termine ton article par la phrase que j’allais écrire ..oui démontes un ancien sac isotherme et hop …depuis le temps que je dois en faire pour mes petits loustics …tu me donnes envie !!
    Et le scratch rouge il est beau c’est vrai et pourtant le scratch et moi on est pas copain ..je le trouve pas sexy du tout en général ..mais là ..tu m’as eu !!!!

    J’ai adoré la scène du marmot qui fait la tronche pour son lunch bag …et ta manière de détailler la frangine, son look, ses manières ..le coup de « j’enlève ma veste en étant assise » ..j’adore !! je les vois comme si j’y étais ..j’aime beaucoup ton style d’écriture !!!!

  4. Superbe ce lunch bag. Ces tissus lui donnent une allure vitaminée.
    Quant à tes histoires, elles sont trop courtes… Tu me fais penser à ces auteurs qui publiaient leur histoire par épisodes…

  5. Quelle belle découverte ce blog ! Quels talents…
    Après la réalisation de la trousse de toilette en suivant fidélement ton tuto, j’attend avec impatience celui du lunchbag, mon petit lou en ayant bien besoin..

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