La malédiction
Domina y croyait dur comme fer: le monde lui appartenait.
Elle était jeune, elle était belle, elle était intelligente et, cerise sur le gâteau, elle avait des pouvoirs (sa grand-mère était une célèbre sorcière).
Oui, c’était un fait, le monde entier était à ses pieds.
Elle envoûtait les hommes, elle subjuguait les femmes, elle était la reine, elle était l’impératrice, elle était la star de la contrée.
Certains la prenaient pour une déesse, d’autres pour un démon femelle, certains la craignaient, d’autres l’admiraient. Tout cela Domina s’en fichait. Elle faisait de l’effet et c’était tout ce qui comptait. Elle marquait les esprits et c’était tout ce qui lui importait.
Domina crut à sa supériorité jusqu’au jour où elle tomba sur un homme qui se révéla insensible à son charme. C’était un étranger venu s’installer dans la région, un jeune forgeron aux traits fins et au regard tranquille qui se prénommait Lucas.
Cet homme-là ne s’embrasait pas quand elle passait devant lui, cette homme-là ne balbutiait pas quand elle lui parlait, cet homme-là ne rougissait pas quand elle lui souriait. Cet homme-là ne l’aimait pas, voilà.
Non, lui, c’était Piniette, sa voisine, qui le troublait. il la croisait chaque matin quand il se rendait à la forge et qu’elle sortait dans sa cour. Au départ, il la saluait d’un timide mouvement de tête. Mais peu à peu, il en vint à échanger quelques mots avec elle.
Il la trouvait douce, gracieuse et vraiment jolie, Piniette. Il aimait ses fossettes qui apparaissaient quand elle souriait, il aimait le timbre légèrement rauque de sa voix, il aimait la lueur espiègle qui passait dans ses yeux quand elle plaisantait, il aimait jusqu’aux petites rides verticales qui se formaient entre ses sourcils quand elle était de mauvaise humeur.
Piniette elle aussi aimait bien son nouveau voisin. Il était beau et puis si gentil, Lucas. Il n’était pas comme les autres, il ne se moquait pas d’elle, lui. Au contraire, il avait l’air de l’estimer. Il était curieux d’elle, il prenait de ses nouvelles et lui offrait parfois des noix ou des fleurs qu’il ramassait lors de ses promenades. Il rapportait beaucoup de choses de ses nombreuses balades, il avait toujours les poches pleines de bouts de ficelle, de marrons ou de cailloux…
Un jour, Piniette eut l’idée de lui coudre une besace pour transporter ses petits trésors. Elle y passa deux semaines, s’appliqua à la rendre solide et la décora pour qu’elle soit jolie. Quand elle eut fini, elle l’emplit de galets, de billes, de noisettes et d’autres petites choses dont elle espérait qu’elles l’intéresseraient.
Elle la lui offrit un matin, rouge de gêne et le cœur battant d’appréhension. Lucas fut très touché par son geste et surtout par les objets hétéroclites dont elle avait rempli la besace. Il la remercia chaleureusement et fut conquis quand elle lui avoua, tout bas et sans le regarder, qu’elle y avait mis tout son cœur.
Il la regarda longuement, la gorge nouée et les yeux brillants, murmura « Merci encore, Piniette. Merci. » et puis s’en fut d’un pas joyeux, sa besace lui battant le flanc.
Lorsqu’il fut parti, Piniette esquissa un pas de danse. Il avait aimé son cadeau! Il avait aimé son cadeau! Elle était si contente! Elle entama ses corvées avec entrain, le cœur en liesse.
Domina, elle, ne rigolait pas. Elle avait assisté à la scène, cachée derrière un bosquet, et elle était furieuse. FU-RIEUSE!
Piniette! Ce crétin de Lucas lui préférait Piniette! Cette niaise au demi-cerveau! Non mais cette fille était si lente à parler, à se mouvoir, à réagir, que tout le monde la croyait attardée. Comment pouvait-il être attiré par cette demeurée? Comment pouvait-il la snober, elle, Domina, et tomber amoureux de ce laideron débile?
Ah non, elle ne le permettrait pas! Cet homme-là, Piniette ne l’aurait pas, foi de Domina!
Domina était plutôt finaude. Et puis c’était une femme raffinée. Elle ne voulait pas attaquer Piniette de front, c’eut été trop facile, trop brutal, trop grossier et surtout pas assez cruel. Non, ce qu’elle voulait, c’était instiller un poison qui déferait ce que l’amour était en train de créer entre Piniette et Lucas. Elle voulait inoculer du mauvais dans leur relation, du fiel, de la petitesse, du laid. Elle voulait assassiner leur amour. Subtilement.
Elle eut alors l’idée de jeter un sort à la besace que Piniette avait offerte à Lucas: « Désormais, des ennuis uniquement, en toi tu porteras! »
Dès lors, Lucas n’eut que des soucis. Il commença par perdre ses trésors. Puis il égara ses outils, qu’il rangeait habituellement dans sa besace. Un soir, en rentrant, il se fit attaquer par un loup. Il ne se passait pas un jour sans qu’un malheur ne lui tombe dessus.
Un jour qu’il devait transporter une pièce volumineuse à l’autre bout de la région, Lucas prit un grand sac au lieu de sa besace. Et rien de fâcheux ne lui arriva ce jour-là. Il ne fut pas long à faire le lien entre la besace et ses misères.
Il commença à se méfier de Piniette, qu’il pensait responsable de ses problèmes. C’était peut-être une sorcière déséquilibrée qui cachait bien son jeu? Peu à peu, leur relation perdit son naturel et se fana. Lucas n’arrivait plus à être sincère, il la soupçonnait. Piniette le sentait et ça la crispait. Il n’y eut plus de spontanéité, quelque chose s’était cassé. Piniette ne comprenait pas, elle le voyait s’éloigner, impuissante et de plus en plus triste.
Un matin, au lieu de s’arrêter pour discuter, Lucas se contenta d’un hochement de tête poli en passant. Piniette en pleura. C’était fini. Le charme était définitivement rompu, il ne la voulait plus.
Domina de son côté se sentit rassérénée quand elle vit cela. Un sourire mauvais s’épanouit sur son visage. Son plan avait marché: un petit sort bien placé l’avait vengée.
Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’en réalité, ce n’était pas du tout un petit sort. Elle avait mis tant d’ardeur dans sa malédiction que celle-ci se perpétua à travers les âges.
Depuis ce temps-là, toute besace ressemblant un tant soit peu à celle qu’avait faite la malheureuse Piniette pour le beau Lucas causa mille et un soucis à sa conceptrice.
Vous me voyez venir, là, ou pas?
To be continued…
Oh quelle jolie histoire ! en même temps si triste.
Ahhh l’amour ! 😉
Tu m’as tenu en haleine jusqu’au bout ! 😀
Vivement la suite !
Merci pour ce ptit moment magique ! 😉
Mille mercis Vanessa. 🙂
La suite très bientôt!
La suiiiiiiiiteuuh!!! Non mais ça sfait pas ça!!!
Ah mais!!! c’est vrai que ca se fait pas!!!!!!
tu te rend compte??? et si on fait une besace comme Piniette entre temps!! *se ronge les ongles* lol
mille merci, c’est tellement beau ….je veux savoir la suite moi aussi!!!!
merci pour ce bon moment de lecture..
bisous
hhhhhiiiiiiiii la suite vite !!!
merci encore pour ces moments de lecture !!!
Je vous veux sur des charbons ardents! Niark!
lol! Nan en fait, la suite arrive, promis! 🙂
Merci de votre enthousiasme en tout cas!