Le machin américain – 1ère partie
Ah ça, pour sûr que l’ambiance a changé, au café. Tout est presque comme avant, mais le cœur n’y est plus.
Moi vous savez, j’avais senti les ennuis arriver. Je l’avais prévenu, l’André. Je lui avais dit que tout ça ne donnerait rien de bon, mais lui ne voyait rien, il ne se méfiait pas, il était trop occupé à s’attendrir.
Les ennuis, c’est Billy qui les a apportés avec lui. Il a débarqué au village en juillet, l’an dernier. La guitare en bandoulière, la mèche noire devant les yeux, il était entré au café et avait commandé une grenadine à André. Ça avait fait rire tout le monde, au café. On l’a pris pour un innocent, à cause de cette histoire de grenadine. Un homme qui boit ça, c’est un agneau, forcément.
En vérité, il s’appelait Gilles mais ça ne faisait pas assez « chaud bise » comme il disait. Il chantait des ballades et se fâchait quand on faisait mine de lui donner une pièce sans écouter sa chanson jusqu’au bout. Ah ça, c’était un personnage, Billy : même pas vingt ans et pourtant bien grande gueule. Il ne baissait jamais les yeux, Billy. Sauf sur sa guitare, quand il jouait…
Il s’était installé à deux pas de la porte du café, près du marronnier. Il disait que les gens étaient moins pressés à cet endroit-là. Il posait son chapeau retourné puis se lançait et chantait. Il chantait plutôt bien d’ailleurs. Ça nous faisait un joli fond sonore, au café. André aussi aimait bien. Sans quoi, pour sûr, il l’aurait chassé.
Je me souviens, la fenêtre de Mathilde était juste au-dessus de l’endroit où s’installait Billy. Elle s’était énervée la première fois qu’il avait joué. Que voulez-vous… elle avait quinze ans. A cet âge-là, on est sauvage. Elle lui avait renversé un seau d’eau sur la tête. Billy avait ri, il avait dit que ça tombait bien, il faisait chaud. Et Mathilde s’était vexée. Elle avait boudé dans sa chambre toute la journée et n’avait pas aidé son père à servir au café comme elle le faisait d’habitude, en été.
Je ne sais pas où il dormait, Billy. Mais tous les matins, il arrivait à huit heures pour boire son café puis s’installait et se mettait à jouer jusqu’au soir. Il s’arrêtait pour déjeuner d’un sandwich qu’André refusait qu’il paye puis reprenait ses jolies histoires. Parce qu’il était doué le Billy, vous savez ? Il écrivait lui-même ses chansons et elles racontaient toutes une histoire. Il y avait de plus en plus de passage, au café. Les gens s’intéressaient et venaient l’écouter.
Ce qu’il y a, c’est qu’il écrivait trop d’histoires d’amour. C’était ça, le problème, à mon avis. La petite Mathilde a tôt fait de se calmer et elle aussi se penchait à la fenêtre pour l’écouter chanter des choses sucrées. Elle est devenue sa serveuse attitrée et lui portait un verre de grenadine, dehors, quand il avait trop chanté et que sa voix s’enrouait. André croyait qu’ils devenaient amis. Billy aussi, sans doute. Il aimait bien la taquiner, elle avait du répondant la petite, et ça le ravissait.
Mais moi, j’ai vu clair dans les sourires de Mathilde, j’ai bien vu ce qu’il y avait dans ses yeux quand elle le regardait, j’ai bien vu et je l’ai dit à André. Sauf qu’il ne m’a pas écouté. Sa Mathilde souriait, sa Mathilde riait, et ça n’était pas arrivé depuis la mort de Jeannine, sa femme, trois ans plutôt. Alors qu’est-ce que ça pouvait faire si ses yeux brillaient beaucoup trop ? Qu’est-ce que ça pouvait bien faire ?
L’été est passé et Billy est resté. Il était gentil avec Mathilde. Attention, il était très correct, hein ? Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Mais il s’intéressait à ce qu’elle faisait, il la prenait au sérieux, il écoutait ses confidences et encourageait ses initiatives hésitantes. Elle avait décidé d’apprendre le tricot, à l’automne. C’était la mode en Amérique et elle voulait être « à la page ». Il rigolait quand il la voyait, concentrée sur son ouvrage, tirant la langue. Il disait qu’elle aurait soixante ans passés avant d’en avoir terminé et elle lui lançait des pelotes à la figure pour le punir.
La légèreté, ça ne dure jamais. C’est comme les bulles de savon. Elles éclatent toujours. Forcément.
A suivre…
Vivement ce soir pour avoir la suite 🙂
Je dis, répète et me re-répète, j’adore ta plume ma Ta*** (‘scuse moi, j’ai du mal avec Tasticotine, strop lond 😮 )
Dis donc, dans la vraie vie, tu fais de la com’, tu es l’experte en teasing de ta boîte c’est ça ?!
Bon ben à plus tard alors, faut que je repasse bientôt !!
😀 pas de souci Merlinette! Tu peux m’appeler Tatou tu sais?
Merci beaucoup et donc à ce soir!
Za’pristi, non, non, je suis une amatrice 😀 mais je m’entraine à entretenir le suspens.