Les Magrets (1/4)
Voilà quinze jours que Nadine planifiait un dîner qu’elle voulait parfait.
Elle avait donc élaboré son menu plus de dix jours à l’avance. Elle avait imaginé une décoration de table sophistiquée et opté, après moult hésitations, pour son service à étoiles cuivrées. Bien évidemment, elle avait pensé à la musique avant, pendant et après le repas. Et puis elle avait décidé d’éclairer la table avec des bougies pour une ambiance plus intimiste. Elle avait tout organisé, tout prévu.
Mais aujourd’hui, veille du grand jour, elle avait perdu les magrets de canard.
C’était incompréhensible. Elle ne savait pas où ils étaient.
Si ça n’était pas une telle catastrophe, elle en rirait presque, tellement c’était grotesque. Comment pouvait-on perdre des denrées achetées deux heures plus tôt ?
Elle avait tenté de se rappeler tout ce qu’elle avait fait depuis qu’elle avait quitté la boucherie. Elle avait fouillé sa voiture, son garage et toutes les pièces dans lesquelles elle était passée en arrivant chez elle. En vain. Les magrets étaient introuvables.
C’était totalement fou.
Alors, pour ne pas se laisser engloutir par le mélange d’angoisse et de colère qu’elle sentait monter, elle avait attrapé ses clés et était repartie en voiture chercher de nouveaux magrets à la boucherie Le Bourdonnec où elle les avait commandés. Elle priait pour qu’ils en aient d’autres parce que sinon, son menu était fichu. Elle n’avait pas osé les appeler, elle avait trop peur de s’effondrer s’ils lui disaient qu’ils n’en avaient plus. Elle avait préféré y aller directement. Misère, qu’allait-elle faire s’il n’y avait plus de magrets ?
Ce genre de chose ne lui était jamais arrivé, avant. Avant, elle ne perdait jamais rien. Elle était d’une efficacité redoutable. Elle ne ratait jamais rien, avant.
Mais depuis une dizaine de jours, elle se déglinguait, elle s’éparpillait, elle faisait n’importe quoi.
A cause de Xavier.
Leur rupture avait été abominable. Il l’avait invitée dans un bar cossu du 8e arrondissement pour lui annoncer qu’il était tombé amoureux d’une autre et qu’il la quittait. Elle l’avait mal pris et elle lui avait crié dessus. Il avait quitté les lieux, furieux et embarrassé du scandale qu’elle faisait. Et puis dix minutes après, il lui avait envoyé un SMS.
« Elle est mieux que toi à tous points de vue. »
Elle avait mis cette phrase minable sur le compte de la colère et elle avait effacé le message.
Elle savait bien qu’entre eux, cela ne pouvait pas durer éternellement. Il avait douze ans de moins qu’elle et il était séparé de la mère de son petit garçon. Elle se doutait bien qu’un jour, il aurait envie de construire quelque chose.
Et elle pouvait comprendre qu’il ait cherché ailleurs ce qu’elle ne pouvait pas lui offrir.
Elle avait été claire dès le départ : elle ne quitterait pas son mari. Elle ne sacrifierait rien. Ni sa famille, ni sa grande maison en plein cœur du quinzième arrondissement, ni ses vacances, ni son train de vie. Elle ne voulait rien changer à sa vie, elle l’aimait comme ça.
Entre eux, il n’y aurait rien de plus que ces rendez-vous plusieurs fois par semaine, au Grand Hôtel Amelot, dans le 11eme. Même pas un week-end à deux. Elle ne voulait pas qu’ils s’enchaînent l’un à l’autre.
Il ne s’était jamais plaint. Pendant huit mois, ils avaient eu une liaison passionnée et légère à la fois. Leur relation ne s’était encombrée ni de promesses ni d’exigences. Ils se retrouvaient à l’hôtel et passaient ensemble deux heures ardentes. Puis ils se quittaient sur un sourire charmeur qui leur donnait envie de se revoir. Ils ne cherchaient pas plus loin que ce plaisir qu’ils partageaient à l’hôtel avant de retourner à leurs vies respectives.
C’était bien. Mais c’était sans espoir pour lui. Et finalement, il avait, semblait-il, eu envie d’avenir.
Au bout de quelques jours, remise de ses émotions, elle avait essayé de le joindre. Il n’avait répondu à aucun de ses appels. Il n’avait pas non plus pris la peine de la rappeler ni de répondre aux messages qu’elle lui avait envoyés par SMS ou par mail. Ca l’avait vaguement surprise, il ne pouvait quand même pas lui en vouloir à ce point pour cet esclandre au bar ?
Elle avait donc persévéré. Ils ne pouvaient pas se quitter comme ça, abruptement. Ils ne pouvaient pas laisser la laideur de leur dernière entrevue ternir ce qu’ils avaient vécu ensemble. Il fallait qu’ils se voient et qu’ils discutent calmement. Il la quittait, il lui devait bien ça quand même, non ?
Elle lui expliquerait ce qui l’avait mise hors d’elle quand ils s’étaient vus au bar, il s’excuserait de la façon dont il s’y était pris et aussi de ce « Elle est mieux que toi à tous points de vue» puéril, insultant et indigne de lui. Ils se souviendraient des beaux moments de leur relation puis se quitteraient bons amis. Proprement. Elle pourrait alors tourner la page et passer à autre chose.
Sauf qu’il avait persisté dans son silence. Incrédule, elle était allée à son bureau pour lui parler de vive voix. Ca s’était très mal passé. Il l’avait envoyée balader, devant ses collègues, avec une froideur qui l’avait sidérée.
Humiliée et furieuse, elle avait décidé de laisser tomber. Elle n’avait plus envie de parler à ce crétin, plus envie d’une séparation courtoise. Il n’en valait pas la peine, il avait tout saccagé.
Pourtant, elle ne comprenait pas. Pourquoi était-il si hostile ? Pourquoi refusait-il de lui parler ? Qu’avait-elle donc fait de si grave ? C’était un comble tout de même ! Il la quittait et il lui en voulait ? Non mais c’était le monde à l’envers !
Elle s’était mise à gamberger, malgré elle, ressassant ses questions. Que s’était-il passé ? Qu’avait-il donc ? Où était passé le Xavier docile, subjugué, qu’elle avait connu ? Qui était ce type distant et qui refusait de lui parler ?
En fait, c’était depuis la petite phrase méchante qu’il lui avait envoyée, le soir de leur rupture, qu’elle ne reconnaissait plus son ancien amant.
(la suite demain…)
Hâte d’être à demain pour lire la suite! Je guette vos billets et je suis ravie de découvrir , non pas une cousette (quoique je les adore), mais une histoire. A demain donc!
Quelle bonne idée de nous raconter une histoire !
Merci madame
Comme je suis contente que tu t’y sois remise !!
J’attends demain avec impatience !!
Youhou !!
Ouiiii!! Vivement demain!
Mais quel teasing!!!! chouette, on est demain!
Comment ça la suite !! Mais je veux tout lire de suite!!
D’ailleurs on est demain !!