Les Magrets (2/4)
Plus elle y pensait, plus ses mots l’intriguaient, finalement.
« Elle est mieux que toi à tous points de vue ».
Pourquoi lui avait-il écrit ça ? Pourquoi ne s’était-il pas contenté d’aller vivre sa nouvelle histoire d’amour ? Quel intérêt de lui jeter ces mots mesquins à la tête ?
Le Xavier qu’elle connaissait pouvait les avoir écrits sous le coup de la colère, juste pour défroisser sa fierté et lui rendre la monnaie de sa pièce.
Mais il y avait cet autre Xavier, celui qu’elle ne connaissait pas. Peut-être que c’était lui qui avait tapé cette phrase venimeuse ? Pour se venger, bien sûr. Mais peut-être aussi pour lui faire mal.
Elle l’avait imaginé soupesant soigneusement ses mots et appuyant sur la touche d’envoi, froidement, un sourire sinistre aux lèvres. Et puis elle avait ri de son imagination débordante. Un Xavier malveillant qui lui enverrait des mots empoisonnés pour la punir ? C’était franchement n’importe quoi.
Elle ne savait pas pourquoi il lui avait envoyé ces mots mais au fond, ça n’avait aucune importance. C’était fini entre eux. Ce type ne valait rien, elle s’était trompée sur son compte et elle était bien contente qu’ils aient rompu, finalement. Ca lui était bien égal de savoir ce qui l’avait motivé à écrire ces mots.
Pourtant, la phrase revenait régulièrement occuper son esprit. A bien y penser, elle s’aperçut qu’elle n’en comprenait pas vraiment le sens. Qu’est-ce qu’il avait voulu dire par « Elle est mieux que toi à tous points de vue » ? « Mieux que toi », ça voulait dire quoi ? Plus jeune ? Plus belle ? Plus gentille ? Plus intelligente ? Ca ne voulait rien dire, « mieux que toi ». Comment quelqu’un pouvait-il être mieux que quelqu’un d’autre ?
Au fond, ce qu’il lui disait, c’était qu’elle, Nadine, était moins bien que celle qui lui avait succédé.
Quel salaud, franchement !
Peu à peu, Nadine en était venue à penser que ce n’était peut-être pas un délire de son imagination, cette histoire de phrase empoisonnée envoyée exprès pour la blesser. Elle était assaillie de questions : Depuis quand pensait-il qu’elle était moins bien, lui qui avait l’air si amoureux ? L’avait-il aimée, au fond ? L’avait-il vraiment aimée ? Elle en avait été persuadée mais elle ne savait plus… Qu’est-ce qui avait été vrai dans leur histoire ?
Elle repoussait ces questions du mieux qu’elle pouvait mais elle ne parvenait pas à s’en débarrasser.
Et puis elle se sentait inexplicablement triste. Ca l’agaçait, d’ailleurs, d’être triste. Ce pauvre type ne méritait pas qu’elle ait de la peine.
Elle avait attendu que ça passe. Tout passe, avec le temps, n’est-ce pas ?
Mais ni les chapelets de questions, ni la tristesse ne s’émoussaient. Au contraire, plus le temps passait, plus elle pensait à cette relation avec un homme qu’elle croyait connaître et à cette rupture qui lui avait révélé un inconnu. Et à chaque fois qu’elle y pensait, elle avait envie de pleurer.
Elle dormait mal aussi. Elle avait des insomnies et se levait fatiguée. Elle avait également souvent mal à la tête, elle qui n’avait jamais rien d’habitude, pas même un rhume.
Cette histoire la rendait littéralement malade.
Elle s’interrompait en plein milieu de ses phrases, ne se rappelant plus ce qu’elle voulait dire, elle retrouvait, dans des lieux improbables, des objets qu’elle croyait pourtant avoir rangés ailleurs. Elle ne savait soudain plus ce qu’elle se proposait de faire quelques instants auparavant.
Nadine allait mal. De plus en plus mal, même. Et elle avait de plus en plus peur de finir folle, submergée qu’elle était par ses questions sans réponses.
Son obsession avait changé d’objet depuis quelques jours. De nouvelles questions surgissaient, à propos de celle qui lui avait succédé dans la vie de Xavier. Qui était-elle ? Comment l’avait’ il connue ? Depuis quand la voyait-il ? Avait-il trompé Nadine avec elle ? Etait-elle plus belle qu’elle ? Plus jeune qu’elle ? Etait-elle mieux qu’elle ? Vraiment ?
Nadine déprimait lorsqu’elle pensait à sa remplaçante. Elle se défendait tant bien que mal contre l’idée qu’elle était moins bien que cette femme. Mais si ce n’était pas vrai, Xavier ne l’aurait pas quittée, c’était l’évidence même.
Elle s’accrochait à ses repères, aux choses qui lui faisaient du bien, à ce qu’elle maîtrisait depuis toujours et qui l’aidait à croire qu’elle n’était pas moins bien qu’une autre. Pas moins bien que l’autre.
Comme ce dîner qu’elle avait organisé pour qu’Alex* leur présente sa nouvelle conquête. Elle n’avait pas sa pareille pour élaborer de grands dîners. Elle avait même une sacrée réputation, dans son entourage. Quand Alex lui avait parlé de cette… Mince, elle ne se rappelait plus son prénom ! Alice ? Héloïse ? Punaise ! Elle n’oubliait jamais un prénom, avant…
Quand Alex lui avait parlé de sa nouvelle copine, elle avait sauté sur l’occasion, pensant que ça lui changerait les idées de les recevoir tous les deux à dîner. Elle avait convié des amis communs à se joindre à eux et elle attendait donc une dizaine de personnes le lendemain soir.
Elle avait pris son après-midi pour faire ses derniers achats. Elle était contente, elle avait été efficace. Rentrée chez elle, elle envisageait de commencer ses préparatifs quand elle s’était aperçue qu’elle avait perdu les magrets.
C’était de pire en pire. Elle était en train de saboter son propre repas. A cause de Xavier et de l’autre. Elle avait rassemblé ses forces pour retourner à la boucherie. Elle avait l’intention de n’y faire qu’un saut et de revenir dare dare.
Et pourtant, voilà qu’elle se retrouvait garée au bas de l’immeuble où travaillait Xavier. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait là mais elle n’arrivait pas à partir. Elle ne comptait pas aller lui parler, sa tentative de l’autre fois lui avait suffi. Confusément, elle espérait qu’il se passerait quelque chose, quelque chose qui la libérerait de son questionnement.
Ca faisait deux heures et demie qu’elle était là. La boucherie n’allait pas tarder à fermer, il fallait qu’elle s’en aille et vite.
Elle les vit au moment où elle démarrait sa voiture.
(la suite… demain)
*Alex = Alexandre, le frère de Nadine. Je t’explique tout à la fin de l’histoire, coupinette!
OK c bon j’suis accro je reviens vite demain, je veux savoir la suiiiiiiiiiiiiiiiite !
Mais mais… naaaaaaaan c’est trop couuuurt!!